mardi 11 novembre 2014

L'empire perdu des USA

COMMENT COMMENCER UNE GUERRE ET PERDRE UN EMPIRE

PAR DMITRY ORLOV


25 octobre 2014
THE FRENCH SAKER

Préambule

Un article aussi long sur (ce que nous devons désormais appeler) le conflit américano-russe, signé par Dmitry Orlov, un délice.

Orlov est d’abord russe. Il a subi et couvert le désastre de l’effondrement des années 90, il est considéré comme un des papes du revivalisme, cet art de survivre allègrement, pour, par la suite, vivre avec beaucoup moins.

Plus précisément un Russe originaire de Leningrad [nom donné à Saint-Pétersbourg durant l’URSS]. Ces habitants de Leningrad, qui se sont serré les coudes durant un siège terrible. Ces habitants jardiniers dans leurs squares, mais aussi architectes prolétariens relevant les plans des palais tsaristes, avant qu’ils ne soient bombardés, afin de restituer, un jour, ce patrimoine à la Russie.


Le Gang de la clé à molette (The Monkey Wrench Gang), un roman de 1975 par Edward Abbey
Un Russe émigré en occident, du genre freak, ceux qui ont fait les beaux jours de l’image de l’Amérique vendue d’ici : les Hunter S. Thompson, les Edward Abbey, des renégats, les Jazzmen rejetés, le fameux Gang de la clef à molette.

Autant dire qu’Orlov est un communicant, qui nous fait mieux comprendre l’âme russe que d’aucuns pourraient trouver vieux jeu ou désuète, en écoutant certains caciques russes dans des émissions grand public de la télévision russe. Mais sans se départir de l’essentiel, la simplicité et la cohérence qui caractérisent les interventions de Poutine ou de Lavrov. L’auditeur occidental est toujours surpris de se sentir à nouveau concerné, impliqué. C’est l’occasion pour entamer une détoxification.

Entre un premier « Bouh ! » et un « Bouh ! » final (entre ses guillemets donc), c’est toute la situation vécue par les Russes qui défile, dans un sarcasme typiquement occidental, mais qui saura rester juste. Pour tous les Russes (mais « j’en suis » aussi), le comportement des Occidentaux est tellement absurde. C’est la longue liste de tous les coups tordus de ces deux dernières années qui sont passés en revue par Orlov, ceux-là mêmes qui ont réveillé l’âme russe.

Dès lors, les US ont beaucoup à perdre, historiquement beaucoup à craindre. Quelques phrases assassines vont faire hurler bien des Nuléo-con’s. Mais la France, le peuple français, pourrait y voir une opportunité de s’émanciper, de respirer et retrouver cette cohésion sociale avec laquelle nos aînés ont eux aussi fait des miracles (je pense au Conseil national de la Résistance).

Alors bien sûr, nous avons ici aussi nos élites séniles, nos Paneta, des Fabius, des Hollande, mais un consensus mafieux est en train de s’effriter, beaucoup de peuples ont une histoire forte et la Russie fait appel à eux au-delà des oligarques, avec des discours simples, clairs, positifs.

Désormais There Is An Alternative [il y a une alternative, TIIA, par opposition à TINA].

Cette TIAA n’est pas politique, elle n’est pas plus économique pour l’instant : c’est un capitalisme régulé à l’ancienne qui est envisagé. Les portes sont ouvertes : aux politiques, aux nouvelles économies, aux ingénieurs (les satellites du système Galileo lancés par des Soyouz ont été remis sur orbite, un repère donc).

C’est la Russie qui s’éveille. Avec la foi et la pugnacité de son peuple.

Le Saker francophone

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Comment commencer une guerre et perdre un empire

Il y a de cela un an et demi, j’ai écrit un essai sur la façon dont les États-Unis ont choisi de considérer la Russie, intitulé « L’image de l’ennemi ». À l’époque, je vivais en Russie, et, après avoir entendu la rhétorique américaine antirusse et la réaction russe, j’ai fait quelques observations qui semblaient importantes à l’époque. Il s’avère que j’ai réussi à repérer une tendance importante, mais, étant donné le rythme rapide de l’évolution depuis lors, ces observations sont maintenant obsolètes, donc voici une mise à jour.

La tentative de mainmise guerrière des USA sur le monde sous le prétexte de libérer les peuples et de promouvoir la démocratie
À cette époque, il n’y avait pas encore beaucoup d’enjeux. Il y avait beaucoup de bruit autour d’un gars nommé Magnitski, un avocat-escroc d’entreprise qui avait été appréhendé et était mort durant sa détention provisoire. Il était l’intermédiaire d’escrocs occidentaux bien pires et qui n’ont, bien sûr, jamais été appréhendés. Les Américains ont choisi de considérer cela comme une violation des droits de l’homme et ont répondu avec la dénommée loi Magnitski, qui était censée sanctionner certains individus russes qualifiés de violeurs des droits de l’homme. Les législateurs russes ont réagi avec le projet de loi Dima Yakovlev, nom d’un orphelin russe adopté par des Américains, qui l’ont laissé mourir, en l’abandonnant dans une voiture verrouillée pendant neuf heures. Cette loi dissuade les Américains tueurs d’orphelins d’adopter des orphelins russes. Tout cela est devenu un mélodrame un peu idiot.

Mais quel changement a pu se produire en un an et demi ? L’Ukraine, s’effondrant lentement au même rythme que durant les deux décades passées depuis son indépendance, est maintenant vraiment un État défunt, avec son économie en chute libre, une région disparue et deux autres en rébellion ouverte, la plus grande partie du pays terrorisé par des escadrons de la mort financés par les oligarques, et dirigé par quelques marionnettes désignées par les Américains et tremblant à l’idée de ce qui peut arriver. Les conflits larvés en Syrie et en Irak ont, depuis, éclaté en véritable guerre, avec de grandes parties de ces deux pays, désormais sous le contrôle du califat islamique, qui a été formé avec l’aide des États-Unis, avec des armes de fabrication américaine, via les Irakiens. La Libye post-Kadhafi semble tout à fait capable d’établir un califat islamique par ses propres moyens. Dans ce contexte d’échec patent de leur politique étrangère, les États-Unis ont récemment dû s’adapter, et ont accusé la Russie de poster des troupes aux portes de l’OTAN, comme si cela n’avait rien à voir avec le fait que l’OTAN s’était étendu à l’est, le long des frontières de la Russie. Sans surprise, les relations américano-russes ont maintenant atteint un point, où les Russes s’autorisent à émettre un avertissement sévère : de nouvelles tentatives de chantage occidentales pourraient entraîner une confrontation nucléaire.

Le comportement américain tout au long de cette succession d’échecs a été remarquablement stable, l’élément constant étant leur refus catégorique de faire face à la réalité, autant dans la forme que sur le fond. Tout comme avant, en Syrie, les Américains sont toujours à la recherche d’islamistes modérés pro-occidentaux, qui feront ce que les Américains veulent (renverser le gouvernement de Bachar al Assad), mais sauront s’arrêter, au moment de tuer tous les envahisseurs infidèles qui leur tombent sous la main. Le fait que des islamistes modérés pro-occidentaux ne semblent pas exister n’affecte en rien la stratégie américaine dans la région.

De même, en Ukraine, le fait que les lourds investissements américains dans la liberté et la démocratie ou une société ouverte, ou ce que vous voudrez, aient produit un gouvernement dominé par les fascistes et une guerre civile à l’est, selon les Américains, ne sont que de la propagande russe. Défiler sous la bannière de la division ukrainienne SS de Hitler et la reconnaissance des collaborateurs nazis comme des héros nationaux n’est tout simplement pas assez convaincant pour eux. Qu’est-ce que ces nazis doivent faire pour prouver qu’ils sont nazis ? Construire des fours et rôtir des Juifs ? Massacrer les gens en mettant le feu à un bâtiment, comme ils l’ont fait à Odessa, ou tirer dans le dos de civils désarmés et de les jeter dans des fosses communes, comme ils l’ont fait à Donetsk, ne semble pas suffire non plus. Le fait que de nombreuses personnes ont refusé d’être dirigées par des voyous nazis, et ont résisté avec succès, a conduit les Américains à les étiqueter comme des séparatistes pro-russes. Cela, à son tour, a été utilisé pour rendre responsable la Russie des troubles en Ukraine, et imposer des sanctions à la Russie. Les sanctions seront reconsidérées, si la Russie retirait ses troupes d’Ukraine. Le problème, c’est qu’il n’y a pas de troupes russes en Ukraine.

Notez que ce genre de comportement n’a rien de nouveau. Les Américains ont envahi l’Afghanistan parce que les talibans n’envisageaient d’expulser Oussama Ben Laden (qui était un agent de la CIA) que si les Américains produisaient des preuves l’impliquant dans l’attentat du 9/11, preuves qui n’existaient pas. Les Américains ont envahi l’Irak parce que Saddam Hussein ne renonçait pas à ses armes de destruction massive, qui n’existaient pas. Ils ont envahi la Libye parce que Mouammar Kadhafi n’abandonnait pas les positions officielles qu’il ne détenait pas. Ils étaient prêts à envahir la Syrie de Bachar al Assad, qui avait utilisé des armes chimiques contre son propre peuple – sans jamais l’avoir fait. Et maintenant, ils ont imposé des sanctions à la Russie, parce que la Russie a déstabilisé et envahi l’Ukraine, alors qu’elle n’en a rien fait non plus (les États-Unis l’ont fait.).

Les sanctions contre la Russie paraissent d’autant plus incompréhensibles, qu’elles ont un effet boomerang dans la mesure où elles font du mal à l’Ouest, tout en donnant au gouvernement russe l’élan nécessaire pour faire ce qu’il a toujours voulu faire. Les sanctions portant atteinte aux droits d’un certain nombre d’hommes d’affaires et de responsables russes, elles les incitent à rapidement retirer leur argent des banques occidentales, à sortir leurs enfants des écoles et des universités de l’Ouest, et à faire tout ce qu’ils peuvent pour démontrer qu’ils sont de bons Russes patriotiques et ne sont pas des laquais des Américains. Les sanctions qui affectent un certain nombre de compagnies russes dans le secteur de l’énergie, les coupant des ressources technologiques et des financements occidentaux, vont principalement nuire aux bénéfices des sociétés occidentales de l’énergie, tout en aidant leurs concurrentes chinoises. Il y avait même des menaces de couper la Russie du système bancaire SWIFT, ce qui aurait rendu difficile la tâche de transférer des fonds entre la Russie et l’Occident, mais ces menaces ont plutôt donné à la Russie l’impulsion nécessaire pour introduire son propre système dénommé RUSSWIFT, qui sera même ouvert à l’Iran, et de neutraliser les efforts américains pour imposer des restrictions financières.

Les sanctions ont été conçues pour causer des dommages économiques, mais les efforts occidentaux pour infliger des dommages économiques à court terme à la Russie sont défaillants. Couplé à une baisse significative du prix du pétrole, tout cela était censé faire du mal à la Russie sur le plan financier, mais, comme les sanctions ont fait chuter le cours du rouble, le résultat net sur les finances de la Russie est un véritable lifting. Les prix du pétrole sont plus faibles, mais, grâce en partie aux sanctions, il en est de même pour le cours du rouble, et, parce que les revenus du pétrole sont encore en grande partie libellés en dollars, les recettes fiscales de la Russie restent au même niveau qu’avant. Et puisque les compagnies pétrolières russes gagnent des dollars à l’étranger, les convertissant ensuite en rouble sur le marché intérieur, leur budget de production n’est pas affecté.

Les Russes ont également répondu en imposant des contre-sanctions, et ont pris des mesures rapides pour neutraliser l’effet des sanctions à leur encontre. La Russie a interdit l’importation de produits provenant de l’Union européenne, au grand dam des agriculteurs européens. Les plus touchés sont des membres de l’Union européenne particulièrement antirusses : les pays baltes, qui ont perdu rapidement une fraction importante de leur Produit intérieur brut, ainsi que la Pologne. Une exception est faite pour la Serbie, qui a refusé de se joindre aux sanctions. Ici, le message est simple : les amitiés qui ont duré plusieurs siècles prévalent ; ce que les Américains veulent n’est pas ce que les Américains auront ; et l’Union européenne est un simple bout de papier. Ainsi, les contre-sanctions créent des frictions entre les États-Unis et l’Union européenne, et, au sein de l’Union européenne, entre l’Europe de l’Est (où les sanctions causent le plus de difficultés) et l’Europe de l’Ouest. Et, plus important encore, elles évoquent un message simple : les États-Unis ne sont pas les amis de l’Europe.

Il y a autre chose qui va devenir plus important dans le long terme : la Russie a relevé le défi et se détourne de l’Ouest pour se rapprocher de l’Est. C’est assimilé à une défiance ouverte aux tentatives américaines de domination du monde, au travers des relations commerciales dans le monde entier, dont une grande partie est malade et fatiguée de rendre hommage à Washington. La Russie joue un rôle clé dans la mise sur pied d’un système bancaire international, qui contourne le dollar américain et la Réserve fédérale américaine. Dans ces efforts, le territoire et les populations de plus de la moitié du monde sont carrément du côté de la Russie et applaudissent. Ainsi, l’effort d’isoler la Russie a produit l’inverse du résultat prévu : il isole l’Ouest du reste du monde.

Dans d’autres secteurs, les sanctions sont aussi utiles. L’interdiction d’importation sur les denrées alimentaires de l’Union européenne est une aubaine pour l’agriculture nationale, qui répond à un point politique important : ne pas être nourri des mains de ceux qui vous mordent. La Russie est déjà l’un des plus grands exportateurs de céréales au monde, et il n’y a pas de raison qu’elle ne puisse atteindre une entière autosuffisance alimentaire. L’incitation à se réarmer face à la présence de l’OTAN aux frontières russes (il y a maintenant des troupes américaines stationnées en Estonie, à seulement quelques kilomètres de la deuxième plus grande ville de Russie, Saint-Pétersbourg) fournit le stimulus nécessaire à une reconversion industrielle. Cette série de dépenses militaires est prévue un peu plus intelligemment que durant l’époque soviétique, la conversion éventuelle [des innovations militaires, NDT] dans le domaine civil faisant partie du plan dès le début. Ainsi, avec les meilleurs chasseurs à réaction du monde, la Russie est susceptible de commencer à construire des avions civils pour l’exportation, qui viendront en concurrence directe avec Airbus et Boeing.

Mais ce n’est que le début. Les Russes semblent s’être enfin rendu compte à quel point le terrain de jeu a été étendu à leur détriment. Ils ont été forcés de jouer avec les règles de Washington de deux façons :
1. se plier à la volonté de Washington, afin de maintenir leurs cotes de crédit élevées dans les trois principales agences de notation de crédit occidentales, afin de garantir l’accès au crédit de l’Ouest ;
2. respecter les règles de l’Ouest lors de la délivrance de leur propre crédit, donc maintenir les taux d’intérêt intérieurs artificiellement élevés.

Le résultat a été que les entreprises américaines étaient en mesure de financer leurs opérations à moindre coût, ce qui les rendait artificiellement compétitives. Mais, maintenant que la Russie agit rapidement afin de sortir de l’emprise du dollar américain, commerçant via des contrats d’échanges bilatéraux (complétés par une quantité d’or, lorsque la couverture commerciale est insuffisante), elle est aussi à la recherche de façons de transformer la création monétaire à son avantage.

À ce jour, le diktat transmis de Washington est : "Nous pouvons imprimer autant d’argent que nous voulons, mais, vous, vous ne pouvez pas, sinon nous allons vous détruire". Mais cette menace sonne de plus en plus creux, et la Russie n’utilisera plus ses recettes en dollars pour acheter de la dette américaine. Une proposition actuellement sur la table est de rendre impossible de payer les exportations de pétrole russe autrement qu’en rouble, par la création de deux sociétés de courtage de pétrole, une à Saint-Pétersbourg, l’autre à sept fuseaux horaires de là, à Vladivostok. Les acheteurs étrangers de pétrole auraient alors à gagner leurs pétro-roubles par la voie honnête du commerce bilatéral ou, s’ils ne peuvent fournir suffisamment de biens que les Russes souhaitent importer, ils pourraient payer le pétrole avec de l’or (jusqu’à épuisement des stocks). Sinon les Russes pourraient simplement imprimer des roubles, et, pour s’assurer que cette création de monnaie ne provoque pas d’inflation intérieure, ils pourraient exporter l’inflation en jouant avec le robinet du pétrole et les taxes à l’exportation sur le pétrole. Et si des gens comme George Soros décident d’attaquer le rouble afin de le dévaluer, la Russie pourrait défendre sa monnaie tout simplement en imprimant moins de roubles pour un temps (pas besoin de stocker des réserves en dollars).

Jusqu’à présent, cela ressemble à une guerre économique typique : les Américains veulent obtenir tout ce qu’ils veulent en imprimant de l’argent, tout en bombardant ceux qui leur désobéissent, pour les soumettre et les sanctionner, tandis que le reste du monde tente de leur résister. Mais, au début de 2014, la situation a changé. Les États-Unis ont tenté un coup à Kiev, et, au lieu de se coucher et de faire le mort comme ils étaient censés le faire, les Russes ont monté une campagne rapide et réussi brillamment à regagner la Crimée, puis maté avec succès la junte de Kiev, l’empêchant de consolider son contrôle sur le reste de l’ancien territoire de l’Ukraine, en laissant entrer des bénévoles, des armes, de l’équipement et de l’aide humanitaire et en laissant sortir des centaines de milliers de réfugiés (par la frontière russo-ukrainienne strictement théorique, tout en évitant la confrontation militaire directe avec l’OTAN). Voir tout ce qui se passe dans les journaux télévisés du soir a réveillé la population russe de sa torpeur politique, les a poussé à s’asseoir et à s’intéresser, et la cote de popularité de Poutine s’est envolée, pour crever le plafond.

La perception de tout cela, comme ils aiment le dire à la Maison-Blanche, est plutôt de mauvais augure. Alors que nous fêtons le 70e anniversaire de la victoire dans la Seconde Guerre mondiale (une occasion importante pour les Russes, qui se piquent d’avoir défait Hitler sans l’aide de personne), dans le même temps, les États-Unis (autoproclamés ennemi juré de la Russie) profitent de l’occasion pour réveiller et nourrir le monstre du nazisme juste à la frontière russe (à l’intérieur des frontières de la Russie, diraient certains Russes et Ukrainiens). Cela incite les Russes, à leur tour, à se souvenir de la mission historique et unique de la Russie parmi tous les pays, qui est de contrecarrer les tentatives de toutes les autres nations à vouloir dominer le monde, que ce soit la France napoléonienne, l’Allemagne hitlérienne ou l’obamaniaque Amérique. Chaque siècle, une nation oublie ses leçons d’histoire et attaque la Russie. Le résultat est toujours le même : beaucoup de cadavres cloués dans des congères, puis la cavalerie russe galope dans Paris, ou les chars russes roulent sur Berlin. Qui sait comment cela va finir cette fois-ci ? Ce seront peut-être des hommes polis, bien armés, en uniformes verts sans insigne, patrouillant dans les rues de Bruxelles et de Washington D. C. Seul le temps nous le dira.

Le costume d’Obama-Superman rétrécit dans les sondages (Polls)
On pourrait penser qu’Obama a déjà surestimé sa main, et devrait se comporter en conséquence. Sa popularité chez lui est à peu près l’inverse de celle de Poutine, en fait, Obama reste plus populaire que le virus Ebola, mais de justesse. Il n’obtient rien après avoir tout joué, pas même le moindre résultat, et ses efforts à ce jour, chez lui et à l’étranger, ont été, à peu de chose près, une catastrophe. Alors qu’est-ce que ce travailleur social devenu mascotte nationale s’est décidé à faire ? Eh bien, de la façon dont les Russes le voient, il a décidé de déclarer la guerre à la Russie ! Dans le cas où vous l’auriez manqué, regardez son discours devant l’Assemblée générale des Nations-Unies. C’est sur le site Web de la Maison-Blanche. Il a placé la Russie exactement entre Ebola et l’État islamique [ISIS, EIIL, DAECH…), parmi les trois plus grandes menaces qui pèsent sur le monde. Avec des yeux russes, son discours se lit comme une déclaration de guerre.

C’est une nouvelle sorte de guerre mixte. Ce n’est pas une guerre totale à mort, bien que les États-Unis se soient montrés bien imprudents, selon les vieux critères de la Guerre froide, en oubliant la confrontation nucléaire. C’est une guerre de l’information, à base de mensonges et d’injuste diffamation. C’est une guerre économique et financière, en usant de sanctions. C’est une guerre politique, avec le renversement violent d’un gouvernement élu et le soutien à des régimes hostiles, aux frontières de la Russie. Et c’est une guerre militaire, avec le déploiement, certes inefficace, mais néanmoins insultant, d’une poignée de soldats américains en Estonie. Et les objectifs de cette guerre sont clairs : porter atteinte à la Russie sur le plan économique, la détruire politiquement, la démembrer géographiquement, et la transformer en un État vassal, qui fournit les ressources naturelles de l’Ouest presque gratuitement (avec quelques aumônes à une poignée d’oligarques russes et des voyous criminels qui jouent au ballon). Mais tout cela ne se produira pas, parce que, vous voyez, beaucoup de Russes savent tout cela, et veulent choisir des dirigeants, qui, sans gagner des concours de popularité en Occident, vont les conduire à la victoire.

Selon la prise de conscience que les États-Unis et la Russie sont, qu’on le veuille ou non, dans un état de guerre, même si ce n’est pas toujours très clair, les gens en Russie essaient de comprendre pourquoi il en est ainsi et ce que cela signifie. De toute évidence, les États-Unis ont vu la Russie comme un ennemi dès l’époque de la Révolution de 1917, sinon plus tôt. Par exemple, il est connu que, après la fin de la Seconde Guerre mondiale, des stratèges militaires, en Amérique, envisageaient une attaque nucléaire contre l’URSS, et la seule chose qui les a retenus, c’était le fait qu’ils n’avaient pas assez de bombes, et que donc la Russie aurait pris l’ensemble de l’Europe, avant que les effets des frappes nucléaires aient pu les dissuader de le faire (la Russie n’avait pas d’armes nucléaires à l’époque, mais beaucoup de forces conventionnelles en plein cœur de l’Europe).

Mais pourquoi la guerre a-t-elle été déclarée maintenant, et pourquoi a-t-elle été déclarée par ce travailleur social devenu un dirigeant traitre ? Certains observateurs attentifs ont mentionné son slogan, l’audace de l’espoir, et se hasardèrent à deviner que ce genre d’audace (qui en russe ressemble beaucoup à la folie) pourrait être un élément clé de son caractère, qui lui donne le désir d’être le leader de l’univers, comme Napoléon ou Hitler. D’autres regardaient le charabia de la campagne de sa première élection présidentielle (qui a attiré autant de stupides jeunes Américains) et ont découvert qu’il faisait beaucoup de compliments à divers militaires partisans de la Guerre froide. Pensez-vous qu’Obama serait peut-être un spécialiste de l’histoire et un géopoliticien habile à part entière ? (Cette question pousse à rire habituellement, parce que la plupart des gens savent qu’il est juste un simple d’esprit et répète ce que ses conseillers lui disent de dire.) Hugo Chavez l’a une fois qualifié d’otage à la Maison-Blanche, et il n’était pas trop loin du compte. Alors, pourquoi ses conseillers sont-ils désireux d’entrer en guerre avec la Russie, à l’heure actuelle, cette année ?

Est-ce parce que les USA s’effondrent plus rapidement que la plupart des gens ne l’imaginaient ? Ce raisonnement est le suivant : le système américain de domination du monde par l’agression militaire et par la création de monnaie illimitée est un échec devant nos yeux. Le public n’a aucun intérêt à davantage de bottes sur le terrain, de campagnes de bombardement, qui ne font rien d’autre qu’aider des militants à régner, des militants que les Américains eux-mêmes ont aidé à organiser et à équiper. L’hégémonie du dollar se délite, chaque jour qui passe. La Réserve fédérale n’a plus de munitions fraîches et doit faire le choix entre un crash sur le marché boursier et un crash sur le marché obligataire. Pour arrêter, ou au moins pour prévenir cette tendance à la baisse financière, économique et politique, et la masquer, les États-Unis doivent agir rapidement, en sapant toutes les économies concurrentes dans le monde, et cela par tous les moyens qu’ils ont à leur disposition : campagne de bombardement, révolution ou pandémie (même si cette dernière peut être un peu difficile à garder sous contrôle). La Russie est une cible évidente, c’est le seul pays au monde qui a eu le courage de réellement montrer un leadership international dans sa confrontation avec les États-Unis et qui a réussi à les faire plier. Par conséquent, la Russie doit être punie d’abord, pour maintenir les autres au garde-à-vous.

Je ne suis pas en désaccord avec cette ligne de raisonnement, mais je veux ajouter quelque chose à cela.

Tout d’abord, l’offensive américaine contre la Russie, avec la majorité du reste du monde, est une des choses que les Américains aiment à qualifier de réalités de terrain, et celles-ci prennent du temps à être réalisées. Le monde n’a pas été fait en un jour, et il ne peut pas être détruit en un jour (sauf si vous utilisez des armes nucléaires, mais il n’y a là de stratégie gagnante pour personne pas même pour les États-Unis). Mais tout le château de cartes financier peut être détruit assez rapidement, et ici la Russie peut faire beaucoup de choses, tout en risquant peu. Financièrement, la position de la Russie est si solide, que même les trois agences de notation de crédits occidentales n’ont pas le culot de dégrader la note de la Russie, et cela malgré les sanctions. C’est un pays qui a volontairement remboursé sa dette extérieure, qui dispose d’un excédent budgétaire record et d’une balance des paiements positive, qui a entassé des réserves d’or physique, et pas un mois ne passe sans qu’elle ne signe un grand accord commercial international (qui contourne le dollar américain). En comparaison, les États-Unis sont un homme mort en marche : à moins qu’ils puissent continuer à rouler sur des milliards de dollars de dette à court terme, chaque mois à des taux d’intérêt historiquement bas, ils ne seront pas en mesure de payer les intérêts sur leur dette ou leurs factures. Adieu, l’État providence, bonjour les émeutes. Adieu aux entrepreneurs militaires et à l’application de la loi fédérale, bonjour le chaos et l’ouverture des frontières. Maintenant, infléchir les réalités de terrain suppose des actions physiques, tandis que financièrement, pour provoquer une ruée vers la sortie, il suffit que quelqu’un crie un « Bouh ! » assez fort et de façon assez convaincante.

Deuxièmement, il faut comprendre qu’à ce stade, l’élite dirigeante américaine est presque entièrement sénile. Les plus âgés semblent effectivement séniles au sens médical. Prenez Leon Panetta, l’ancien secrétaire à la Défense : lors de la descente en flamme de son dernier livre, et il en est toujours à blâmer Bachar al Assad en Syrie pour le gazage de son propre peuple ! À présent, tout le monde sait que c’était une attaque sous fausse bannière, menée par des rebelles syriens désemparés, avec l’aide de l’Arabie saoudite, pour être utilisée comme une excuse pour les États-Unis pour bombarder à nouveau la Syrie (vous savez, à nouveau le vieil argument des armes de destruction massive). Soit dit en passant, ce genre de stupidité, l’insistance répétitive sur un raisonnement faux, apparaît comme un signe certain de la sénilité. Ce plan n’a pas fonctionné, parce que Poutine et Lavrov sont intervenus et ont rapidement convaincu Assad d’abandonner son inutile stock d’armes chimiques. Les Américains étaient livides. Donc, tout le monde connaît l’histoire, sauf Panetta. Vous voyez, une fois qu’un responsable américain commence à mentir, il ne sait tout simplement pas comment s’arrêter. L’histoire commence toujours par un mensonge, et, quand des faits émergent, qui contredisent l’histoire initiale, ils sont tout simplement ignorés.

Voilà pour la vieille garde sénile, mais quid de leurs remplaçants ? Eh bien, le garçon à l’affiche pour les jeunes est Hunter Biden, fils du Vice-président, qui a fait la tournée des putes et des coups fourrés en Ukraine l’été dernier, et a atterri par inadvertance sur un siège au conseil d’administration de la plus grande entreprise de gaz naturel de l’Ukraine (qui n’a plus beaucoup de gaz d’ailleurs). Il vient de se révéler être un fou de coke. En plus des nombreux préemptés, comme le fils du Vice-président, il y a aussi des granges pleines de prêts à bêler parmi les diplômés de l’Ivy League, qui ont été préparés pour les emplois dans les hautes sphères. Ce sont d'excellents moutons du professeur William Deresiewicz.

Le fait est qu’il n’y a pas grand monde, jeune ou vieux, apte à répondre à des problèmes internationaux, des défaites militaires, des catastrophes humanitaires. Toutes ces choses les dépassent, et ils s’en remettent à vous pour les promouvoir, sans être trop regardants quant à leur vision idyllique sur eux-mêmes. Le seul coup qu’ils peuvent réellement flairer, c’est un coup sur leur portefeuille.

Ce qui nous ramène toujours à mon premier point : Bouh !

Dimitry Orlov

Traduit par LaLEF (qui a aussi rédigé le préambule) et révisé par Hervé, pour vineyardsaker.fr

Source : How to start a war and lose an empire (cluborlov.blogspot.fr, anglais, 21-10-2014)

Source : Vineyardsaker.fr

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